offre de mobilité et prospective des services
Dans la décennie 2010-2020, la connectivité et la géolocalisation se sont généralisées pour les individus comme pour les véhicules, favorisant l’essor de services en plateforme pour la mobilité partagée : taxis et VTC, transport à la demande, covoiturage, systèmes de véhicules partagés basés sur des voitures ou des deux-roues (vélos, trottinettes, scooters). L’essor conjoint de la motorisation électrique renforce l’efficacité et l’attractivité des deux-roues.
La Chaire s’intéresse aux solutions modales devenues possibles: les services de mobilité partagée étendent l’offre de transport public, de manière directe en tant qu’options modales de plein pied, et aussi de manière indirecte par des combinaisons intermodales avec les lignes de transport collectif. Et ce d’autant plus que les deux-roues sont faciles à garer ou à emporter, spécialement les trottinettes.
Deux actions de recherche sont menées spécifiquement :
A1/ l’observation du développement des services partagés en Ile-de-France: insertion dans l’espace régional, développement quantitatif des flottes et de l’usage, place dans le système de mobilité;
A2/ la modélisation technico-économique de services partagés, afin de prospecter des conditions techniques et économiques de rentabilisation. Cf. Leurent (2020a), Poulhès et Berrada (2019, 2021a,b).
De manière connexe, une étude prospective de stratégies de mobilité motorisée en Ile-de-France a été achevée et publiée en 2020 (Leurent et Li, 2020).
demande de mobilité
Dans un territoire, les individus constituent la «demande de mobilité»: par leurs présences et activités dans les lieux, comme par leurs déplacements entre les lieux d’activité. Les activités humaines motivent les séjours dans les lieux et les déplacements: domicile, travail, étude, achats, accès à différents services, accompagnement, loisirs, promenade...
La Chaire s’intéresse à la demande de mobilité des individus, pour la modéliser statistiquement de manière descriptive et aussi explicative (selon des théories comportementales). En effet, le modèle statistique de demande est fondamental pour simuler l’usage de l’offre de mobilité, donc pour simuler le service rendu et pour évaluer les performances des plans et projets de transport.
Classiquement, la modélisation de la demande met en relation des caractéristiques démographiques (âge, genre, situation de famille), socio-économiques (CSP, emploi, revenu) et spatiales (ancrages résidentiels et professionnels) des individus, avec des caractéristiques de l’urbanisation du territoire (localisation des domiciles et des emplois), pour les confronter à l’offre multimodale de transport et en déduire des indicateurs d’usage: notamment (1) des émissions de déplacements par individu et par période, (2) la structure spatiale des déplacements selon les lieux d’origine et de destination, (3) la répartition des déplacements entre les modes de transport, (4) les itinéraires empruntés et donc les flux sur les réseaux.
Plus récemment, les conditions d’usage sont devenues observables de manière massive, grâce aux traces digitales de mobilité liées notamment aux smartphones (signaux GSM, GPS, wifi, bluetooth) et aux systèmes de billettique (ex. validations Navigo). Ainsi une voie alternative s’est ouverte pour caractériser les individus selon leurs usages, et aussi pour caractériser les conditions de trafic selon les modes, les lieux et les périodes.
La Chaire développe :
B1/ la modélisation statistique classique des comportements de mobilité: modélisation de choix discret, combinant des attributs individuels et des caractéristiques d’offre. En 2020, Mallory Trouvé a soutenu sa thèse de doctorat au sujet de l’équipement des individus en «moyens de mobilité» (véhicules, permis, abonnements) et de l’utilisation de ces moyens, particulièrement pour l’intermodalité entre voiture et transport collectif ferré: avec des applications économétriques à l’Ile-de-France en situationde 2010 (source EGT 2009).
B2/ des analyses statistiques des usages: typologie des pratiques journalières de mobilité, typologie des individus selon leurs pratiques durant un ensemble de jours. En 2020-2021, plusieurs travaux à ce sujet,à partir de différents typesde traces digitales: GPS Coyote embarqués dans des automobiles (Sun et al.2020, 2021a,b), application Geo4Cast sur smartphone(Yin & Leu 2021a, Leu etal.2021) système VisioPulse de Kisioet aussi de l’EGT de 2019 (Yin & Leu, 2021b).
B3/ des modèles des conditions de trafic et de comportements d’usage: en 2020-2021, étude de la congestion en montée et en descente des trains sur un quai de gare, et du positionnement longitudinal des usagers à quai et à bord de leur train (Leu et al.2021,Leu & Jasmin 2019,Leu & Xie 2018). Ces études mobilisent à la fois des données de Smart cards (traces Navigo, source IDFM) et des données de géolocalisation des trains (source RATP).
B4/ des modèles d’apprentissage statistique en combinant des enquêtes fines de mobilité (type EGT) et des bases massives mais moins détaillées (validations de Smart cards), pour inférer les motifs de déplacement (Xie et al 2020), ou encoreles moyens modaux pour accéder aux gares ferroviaires (Xie et al.2021).
économie de la mobilité : budgets et permis
Le Code des transports établit le droit des personnes à se déplacer librement et à disposer de modes de transports pour ce faire, dans des conditions «raisonnables» pour la collectivité au plan financier et soutenables au plan environnemental. Mais, sur les routes, les déplacements des uns occupent la capacité de flux et gênent les mouvements des autres. La densité du trafic est cause de congestion, de perte de temps pour les usagers, de surconsommation d’énergie et de surémission de polluants.
La théorie économique recommande de tarifer l’usage des transports en fonction de la congestion: cet instrument serait efficace pour atténuer la congestion, de plus il pourrait contribuer au financement du système de transport, mais il est peu accepté parla population, du moins en France. Un autre instrument paraît davantage acceptable: les «permis négociables de mobilité» (en anglais, Tradable Mobility Permits), dont le principe est d’attribuer à chacun une certaine quotité de droits, libre à lui de les échanger, d’en acheter et d’en vendre. A ce sujet, la théorie économique est récente et en développement. La notion d’équité est importante, de même que l’efficacité. Parmi les questions étudiées figurent en particulier (i) l’objet du permis, par déplacement ou par unité de distance, (ii) la négociabilité par période horaire, sur un jour ou pour une longue période, (iii) les coûts de transaction (des temps à investir), (iv) la production d’une recette pour la collectivité afin de financer le service, et (v) les conditions concrètes de l’acceptabilité.
La Chaire veut contribuer à l’étude théorique des permis de mobilité, en s’intéressant particulièrement à la mobilité par les différents modes motorisés: automobile particulière ou partagée, ainsi que les transports collectifs. Elle analyse les correspondances entre les notions de permis de mobilité, de permis carbone et les instruments tarifaires. Elle envisagera notamment l’équité entre les personnes selon la dimension «verticale» du revenu et la dimension «horizontale» des localisations et de l’accès aux modes de transport. Elle confronte les permis de mobilité et les «budgets de mobilité» qui concernent les individus en termes de dépense monétaire mais aussi de temps passé en transport. Concernant l’implémentabilité, elle s’intéresse aux modalités imaginées dans différents territoires de par le monde, et tout particulièrement aux expérimentations, pour en tirer des enseignements et des perspectives.
L’étude théorique sera complétée par une simulation quantitative et prospective de l’implémentation de tels instruments en Région Ile-de-France. On prospectera les conséquences potentielles au plan économique des ménages d’une part et de la collectivité d’autre part, au plan environnemental, et aussi sur l’urbanisme et sur la fréquentation des réseaux de transport.
simulation de la mobilité
Un modèle offre-demande de mobilité dans un territoire confronte une représentation exogène de l’offre et de la demande, pour en déduire leur ajustement mutuel, donc l’usage de l’offre par la demande et différents impacts qui en résultent: performance de l’offre, qualité de service, utilité pour la demande, consommations d’énergie, émissions de polluants etc.
Un tel modèle met en jeu des entités de trois grands types: des individus –auteurs et usagers de mobilité, des véhicules – ressources, et des lieux de présence et passage. Par nature d’entité, le niveau d’explicitation de chaque instance, et la «profondeur comportementale», déterminent le réalisme de la simulation. Le développement scientifique des modèles est cumulatif, par raffinement progressif (i) dela représentation topologique des réseaux modaux et de la logistique des services, (ii) des phénomènes de trafic, entre lois physiques macroscopiques et interactions microscopiques, (iii) des comportements de mobilité, avec un approfondissement progressif des situations considérées: organisation logistique individuelle au cours de la journée, détention d’outils de mobilité, attitudes envers les solutions modales.
La Chaire maintient une connaissance experte des méthodes de simulation: tant au plan théorique à travers la littérature académique, qu’au plan applicatif des modèles appliqués en Ile-de-France par différents organismes (planification, opérateursde transport, ingénierie-conseil): cf. Trouvé & Leurent (2018). Elle fait apparaître les intersections, les différences et les recouvrements entre les paradigmes de modélisation. Elle diffuse cette expertise dans des conférences publiques associant les porteurs des méthodes.
De plus, la Chaire porte des développements de modèles et des expérimentations de simulation (notamment multi-agents) pour des problèmes spécifiques de trafic et de mobilité. Cf. Poulhès et al (2017), Poulhès (2020), Poulhès et Berrada (2019), Schanzenbächer et al. (2020), Boulet et al. (2021).